L'Espace Forums de "La Traction Universelle"

Qu'achetiez-vous exactement ? Acier, machines outils, autres fournitures ?
Vous avez dû visiter les chaînes et voir des DS et SM côte à côte ? Où étaient fabriquées les SM (question intéressée de ma part ) ?

Quelle était l'ambiance à cette époque ? Avec quel matériel travailliez-vous ? Trois ans plus tard, Peugeot arrivait à la tête de Citroën. L'avez-vous vécu ? Si oui, comment ?


Voila je vais essayer de répondre à vos questions sans pour autant vous ennuyer avec mon vécu professionnel.
L'achat d'acier sous toutes ses formes ( bobines, lopins, etc..) en tant que matière première a toujours fait l'objet d'un suivi spécial, encore de nos jours auquel se sont ajoutés les métaux précieux pour les pots catalytiques et les filtres à particules. Pour le matériel d'équipement et autres fournitures c'est à dire de la machine outils au papier toilette ce sont les achats appelés à l'époque "frais généraux" situés dans l'aile sud du bâtiment du quai de Javel.
Les lignes de fabrication des DS et SM étaient en // et débouchaient toutes deux dans le grand hall mais elles n'étaient pas seules le HY les accompagnait. D'ailleurs les DS et SM étaient en finitions 10 m en dessous de la cabine de peinture du HY chose impensable aujourd'hui.
L'ambiance de cette époque ? très sérieuse, manches retroussées de toute part avec un acharnement à vouloir réussir.....mais avec une bonne humeur et une joie de vivre qui ne ne se ternissait pas,lors de départs en vacances d'Août il est arrivé que la direction qui était l'étage d'en dessous au troisième nous fasse dire de ne plus sauter car le sol étant en parquet cela résonnait. Nous étions très respectueux de la parole des "anciens" qui n'hésitaient pas à nous laisser "mordre la poussière" ( en risque calculé bien sur) afin de mieux nous accompagner .
Pas de photocopieuses mais des courriers tapés en plusieurs exemplaires grâce à la superposition de papiers carbones, la dernière page n'étant lisible que si la dactylo avait de l'énergie à revendre et de splendides téléphones noirs en bakélite qui résistaient mal aux maladresses.
Nous étions installés comme dans une classe, le chef de service dans son bocal en verre face à nous en file indienne avec nos bureaux métalliques vert revêtus de simili toile ciré .......et toutes les cloisons étaient en verre ce qui fait que tout le monde se voyaient d'un service à l'autre sur tout l'étage du bâtiment, l'ancêtre des bureaux paysagers en quelque sorte
L'arrivée de Peugeot a totalement cassé cette ambiance, il a fallu apprendre à travailler en faisant la "gueule" pas un mot plus haut que l'autre, la confiance que l'on avait entre nous n'était plus, il fallait absolument tout formaliser, etc, etc...
Puis est venu le temps du regroupement, les services achats sont toujours les premiers dans ce genre d'exercice, donc les achats Talbot Poissy, Peugeot la Grande Armée et Citroën Javel se sont retrouvés à la tour Manhattan a la Défense en 1981 sous le nom de SOGEDAC ( société générale d'achats filiale de PSA) mais à l'inverse du "CID" nous partîmes + de 1200 pour nous retrouver à 860 .
Les achats sont redevenus une direction à part entière en 2003 en réintégrant le groupe dans la division automobile situé au pôle tertiaire à Poissy.

Merci Philippe pour ce témoignage qui est en droite ligne avec ce que les gens de mon (nos) âges ont souvent (mal) vécu embarqués que nous fûmes dans le navire des évolutions d'entreprises.

Moi qui me positionne souvent dans les résistants de dernière heure, j'ai souvent préféré l'exode et un nouvel accueil, incapable que j'étais d’accepter de nouveaux "diktats" sans tergiverser au risque de me faire exclure.

Merci pour ce beau récit, on se voit au milieu de ces ateliers..

Notre génération a vraiment tout vu..

Merci Philippe pour ce morceau de vie à Javel ! Tu as gardé des photos de l'époque ?

Bonjour,
Olivier nous sommes dans les années 70 et avoir un appareil photo était du luxe qui plus est il était interdit de prendre des photos a l'interrieur de la société, ce qui est toujours vrai de nos jours alors que nous sommes équipés de tel portable faisant office entre autre d'appareil photos. Il est interdit aujourd'hui d'avoir ce type d'appareil dans l'enceinte d'une usine.
Mais dans ces années là il ne me serait pas venu a l'idée de prendre des photos et de devenir hors la loi

Des Daguerréotypes tu veux dire

Blague à part j'adore ce genre de récit




C'est quoi un lopin???

Merci Philippe pour cette "séquence nostalgie"

Bonjour Eric, un lopin est un morceau d'acier destiné à la forge à chaud du poids de la pièce à réaliser, par ex 30kg pour un vilebrequin.

Nous ennuyer avec votre vécu professionnel ? Vous plaisantez !!!

Merci Philippe pour ce premier récit passionnant d'autant que je connais presque Javel par coeur et j'imagine bien les lieux. Ce forum a une star qui a travaillé à Javel et personne ne l'interrogeait ?

La suite de mes questions (certaines seront étranges) :
Par où arrivait l'acier ? toujours par les berges le long de la Seine ?
L'usine était-elle bruyante ? L'entendait-on du Hall ? Au fait ça sentait quelque chose ?
Quels étaient vos horaires ? Vous pointiez ? Il y avait un gardien ? Heures supplémentaires autorisées ?
On passait la cireuse électrique dans les couloirs ?

Les DS SM étaient-elles stationnées dans le Hall transversal ou était-il vidé rapidement et où stockait-on les voitures finies ?

Y avait-il des blagues entre services ? Fêtait-on Noël ? Faisiez-vous partie d'une association au sein de l'usine ? Y avait-il encore la salle de cinéma ? Où mangiez-vous le midi ?

Bien cordialement

je ne fait pas ce post pour être une "star" je n'en ai ni la vocation ni l'intention, si c'est pour le devenir j'arrête de suite .
Je ne fait que relater des faits qui n'ont d'intérêt que si cela intéresse des passionnés de Citroën qui veulent en savoir un peu plus vu de l'intérieur par un quidam qui y a travaillé. Etant bien entendu que seul ce qui est racontable sera raconté et que dans tous les cas ce sont des "choses" ressenties et vécues et pas forcément la réalité de la politique de l'entreprise.
Merci de m'enlever ce statu de "star", je ne suis qu'un individu qui en 1968 a refusé le "bor..." ambiant des écoles et qui s'est engagé pour trois ans pour en sortir avec un diplôme de mécanique de l'école de Rochefort de l'armée de l'air. Citroën est le seul à avoir répondu à mon courrier de demande d'embauche.... voila ça n'a rien de merveilleux.
Pour répondre à Pierre il est vrai que les bouleversements que nos sociétés ont facilité le changement d'entreprise mais dans mon cas étant Papa à 21 ans j'ai joué la sécurité de l'emploi.

Pour moi l'acier arrivait par wagons et par camion, pas par la Seine.
Bien sur que l'usine était bruyante et le hall faisait caisse de résonance de ce qui se passait sur les lignes de montages, on disait encore chaîne de montage à l'époque qui a été transformé en "ligne" de montage pour ne pas dire que les employés travaillaient à la chaîne, ce qui est toujours vrai aujourd'hui. L'art et la manière de ne pas dire la vérité, le soit disant politiquement correct.....
Notre société en "crève" aujourd'hui..........pour moi un chat reste un chat
Pour les odeurs, il y avait un mélange d'huile de senteurs de soudures et de colle... de l'air pur quoi
En tant que collaborateur il n'y avait pas de pointeuse et pour les gardiens il y en avait partout, quand aux heures supplémentaires , que nenni car le travail du samedi matin venait d'être arrêté sauf demande express de la direction (rare).
Vous vous déplacez en pantoufles Mr Collignon ? vous auriez pu car à javel effectivement la cireuse était en action permanente cela produisait sous nos semelles un bruit bien particulier qui avertissait tout le monde que quelqu'un se déplaçait, c'était bien utile certaine fois lorsqu'un directeur débarquait sans oublier l'odeur
Aucun véhicule fini n'était stationné, tous partaient directement sur des camions stationnés sur le quai pour des parcs voitures environnant Paris, seuls quelques véhicules dont les clients avaient demandé le "super contrôle" restaient sur place; Ces véhicules partaient avec 2 techniciens à bord pour environ 500 km afin de vérifier la fiabilité, c'était une "option".
Blagues entre services ? on ne se serait pas permis, Citroën est une entreprise sérieuse Môssieur , tout essais du genre aurait eu de graves conséquences car comme dit plus haut la confiance était de rigueur.
Bien sur que l'on fêtait Noël par l'intermédiaire du CE (enfants au cirque , cadeaux etc..) quand aux association mot inconnu à l'époque et qui de toute façon n'auraient pas eu leur place chez Citroën.
Salle de cinéma ?? jamais vue
Pour manger il y avait plusieurs selfs à l'intérieur de l'usine ( 15 hectares tout de même) et le choix était large mais il m'arrivait souvent de manger au "bougnat" attenant à l'usine ou dans les rues adjacentes ou différents petits restaurants ( 10 à 20 personnes) officiaient. je me souviens d'un ou un dame en retraite nous faisait du gibier mariné lors de la saison de chasse ..hum.......
Je pense que Christoph aurait apprécié

en plus de l'odeur de la cire, le fumet du civet !!!!!!!!!!!!!

encore, encore

merci beaucoup

c'est très passionnant les récit comme ça

encore merci

Philippe, votre modestie est tout à votre honneur mais tout de même pour les passionnés une expérience professionnelle à Javel, ce n'est pas rien. Mettez-vous à notre place !

A Javel vous faisiez quoi exactement, vous achetiez du matériel vous-mêmes, au téléphone, vous rédigiez des courriers ? Vous êtes restés combien de temps au final avant le déménagement que vous dites avoir vécu sous l'ère Peugeot ?

Vous rouliez en DS ? Vous avez visité les chaînes ? Elle avançait rapidement ? Produisait-on beaucoup de SM ? Vous intéressait-elle à l'époque ?

Pour alimenter le sujet, j'ai discuté avec M. HIC (voir Citroscopie n°13 sur la Dernière Traction) qui me racontait que sur les 1ères DS 4 à 6 cornettes de clignotants sur 10 cassaient sur chaînes. On serrait les vis et clac le plastique se fendait. Parfois ils laissaient tomber la caisse du haut du premier étage, elle tombait et se pliait. Au service Retouches (grand hall, allées latérales), ils ne s'embêtaient pas : ils démontaient le capot, dessoudaient les attaches sur coque, les ressoudaient un peu plus haut et zou, en livraison clientèle ! Je l'ai peut-être déjà racontée : avec le joint de parebrise qui se tortillait il fallait 40 minutes à 2 pour monter une glace de DS. Voyant cela, M. HIC avait inventé une sorte de cuillère avec formes spécifiques qui permettait de coincer le joint et de le faire progresser pour monter le pare-brise. Il faisait cela seul et en moins de 10 minutes. On lui a demandé de présenter son invention à son équipe et à son chef. Refusé par le responsable syndical : ça aurait augmenté la productivité...