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 Sujet du message: Christian Streiff, ancien PDG de Peugeot-Citroën (2007-2009)
MessagePosté: Mar 01 Juil, 2014- 08:24 
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Un récit qui me plait : " je découvre la vie normale" :)

Après son AVC, les confessions de l'ex-grand patron Christian Streiff
http://www.entreprises.ouest-france.fr/ ... Newsletter
Christian Streiff, ancien PDG de PSA Peugeot-Citroën (2007-2009), a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2008. Plus philosophe et plus épicurien depuis, cet ex-grand patron garde un contact rapproché avec l'industrie. Entretien.
Vous avez été PDG de PSA Peugeot-Citroën de 2007 à 2009. Quel est le quotidien d'un patron d'une aussi grande entreprise ?

Le quotidien, c'est d'abord les grands projets urgents et importants du moment : une voiture qui est en train de sortir, un contrat avec un concurrent, des grands projets d'investissement... Des choses capitales, qui demandent au patron d'être présent.

Ensuite, vous passez beaucoup de temps à courir après les clients d'une foire à l'autre. Vous êtes demandé partout : à Genève, à Paris... J'ai un souvenir assez lourd de ces choses-là : même si vous avez l'occasion de voir de grands clients ou de gros fournisseurs, vous y perdez pas mal de temps.

Les autres tâches importantes, c'est les nouveaux développements de véhicules et la gestion normale : vous travaillez avec une dizaine de collaborateurs et vous faites le tour de ce qui se passe dans leur domaine. Tout ça, je vous garantis que ça suffit à remplir les journées d'un patron de PSA !
Quelle amplitude horaire aviez-vous ?

Entre 14 et 16 heures par jour, et plutôt 6 jours voire 6,5 jours par semaine. Je ne dormais 5 ou 6 heures par jour et je buvais du café. Je crois que c'est la règle pour pas mal de patrons de grosses entreprises en France, et même de plus petites.
Le ressentiez-vous comme une vie oppressante ?

Je ne me suis jamais réellement senti oppressé ou stressé par le boulot. J'aimais ça, c'est clair ! C'était une période fantastique, parce que j'avais affaire à beaucoup de gens, j'avais l'impression de faire avancer de grands bataillons.

J'ai eu la chance de diriger PSA juste avant la crise. J'ai lancé une vingtaine de nouvelles voitures, qui ont toute eu du succès : la C5, la 508... Aucune n'a été arrêtée. Quand vous êtes patron d'une boîte dans l'automobile, vous vous demandez toujours : sur les dix voitures que je lance, quel est le pourcentage qui ne va pas marcher, que vous allez être obligé d'arrêter ?
Comment s'est passée cette journée où vous avez fait un AVC (accident vasculaire cérébral) ?

Le matin, je me suis senti fatigué, ce qui était rare et étonnant. J'ai appliqué la méthode que j'appliquais depuis cinq ou six ans, c'est-à-dire dormir quelques minutes... Sauf que là, je ne me suis pas réveillé.

J'ai ouvert les yeux dans la voiture, avec mon chauffeur qui m'emmenait vers l'hôpital de la Pitié-Salpétrière à toute vitesse. Aujourd'hui, je peux dire que ma secrétaire et mon chauffeur m'ont sauvé. Le réflexe qu'ils ont eu, c'est fantastique ! Cela m'a permis d'être dix minutes après entre les mains des médecins, sans quoi je ne vous parlerais pas là, comme je le fais aujourd'hui.
Comme vous l'écrivez dans votre livre, votre première réaction à l'hôpital, c'est de vouloir retourner travailler...

Tout à fait... J'étais assez obsédé. J'avais beaucoup de projets en tête, j'imaginais tous les dossiers qui allaient prendre du retard ou mal tourner à cause de mon absence.

Je ne l'exprimais pas ça comme ça, parce que je ne m'exprimais pas... en français. Je parlais dans une langue bizarre, et ça m'énervait que personne ne me réponde. J'avais perdu des mots.
Comment se sont passés les premiers jours après votre accident ?

J'étais à l'hôpital. Peu à peu, j'ai émergé. Jusqu'à ce que je recommence à parler correctement, à avoir les idées claires. J'avais conscience qu'il me manquait pas mal de mots, mais je me débrouillais. Je me suis dit que j'allais remettre tout ça au clair rapidement, et que j'allais retourner chez PSA. C'était mon obsession !

Trois mois après, j'ai repris les commandes. Pendant neuf mois. Mais je ne tournais plus comme avant. J'ai pas mal triché : je passais une heure avec mes orthophonistes par jour, je dormais davantage... J'étais d'une lenteur ! Cela a été neuf mois très difficiles, pendant lesquels je n'a pas rempli le boulot. Ce qui a fait décider le conseil de me sortir.
Rétrospectivement, comment voyez-vous cette première réaction après votre AVC ? Vous étiez drogué par le travail ?

Drogué, je n'en sais rien... En tout cas, vraiment sous pression. Depuis le premier jour où j'avais intégré PSA, je n'avais pas arrêté de courir, avec l'impression d'être efficace, mais sans mesurer ce qui était possible et ce qui ne l'était pas.
Quand on est le patron d'une très grande entreprise, on doit avoir un sentiment de puissance. Qu'est-ce qu'on ressent quand on est limité ?

De puissance, ce n'est pas comme ça que je le dirais. C'est plus une énorme responsabilité.

Se retrouver du jour au lendemain avec rien, également sur le plan des contacts humains, c'est assez dur. J'ai mis quelques années à m'en sortir. Je regardais des noms sur mon téléphone ou dans mon agenda, et je me demandais : « bon, est-ce que je me souviens de ce gars-là ? » Sur le plan psychologique, c'est le côté le plus difficile.

Mais c'est là qu'on redonne de l'importance à sa famille. Je pense que j'ai remis les valeurs au bon endroit après avoir eu ce pépin.
Quel est votre quotidien aujourd'hui ?

Il est très varié. D'abord, il y a énormément de stress qui est sorti de ma vie.

Sur le plan professionnel, je conseille des jeunes qui étaient venus me voir lorsque j'étais chez moi. Il y a deux boîtes en particulier : l'une qui s'appelle Expliseat, qui fabrique des sièges d'avion ultra-légers, qui pèsent 3 kg au lieu de 10 kg ; l'autre, c'est OptiReno, qui fait de la rénovation durable.

Je siège dans plusieurs conseils d'administrations : Crédit agricole, Thyssen Krupp... Et je suis vice-président de Safran, ce qui me donne pas mal de boulot ! Cela me prend la moitié de mon temps. Pour le reste, je profite de la vie.
Votre vie de grand patron ne vous manque-t-elle pas ?

J'ai des bons souvenirs, mais je ne me vois pas recommencer. Chez PSA, le plus dur, c'est que le poste demande beaucoup de présence.

Safran me fait rêver. C'est du concret : j'interviens dans pas mal de décisions, notamment sur des investissements. Sans avoir la pression des milliers de décisions à prendre, j'ai le plaisir de voir bouger l'entreprise, de voir se construire des développements incroyables, comme le nouveau moteur d'avion Leap, qui équipe tous les Boeing et les Airbus.
Quand on a été « numéro 1 », ce n'est pas frustrant de ne pas être celui qui tranche, qui prend la décision ?

Pour être honnête, ça l'est un peu. Cela dit, quand vous ne tranchez pas, cela vous laisse plus de temps pour prendre la bonne décision.

Ca, c'est un point sur lequel j'ai pris le temps de réfléchir : est-ce qu'aller aussi vite que ce que je faisais avant était réellement la meilleure méthode ? Il y a des avantages : vous allez plus vite que les concurrents ; si vous vous plantez moins qu'eux, vous y gagnez...

Je découvre aujourd'hui l'intérêt de prendre le temps de chercher la bonne solution, avec un travail en équipe, ce qui est la règle du jeu dans l'industrie.
Est-ce que vous vous sentez plus fort qu'avant ?

Je me sens beaucoup plus fort. Je n'ai plus le punch et la capacité de travail d'avant, mais j'ai une nettement meilleure intelligence des situations. J'ai une tranquillité efficace.

L'autre aspect : je me suis rendu compte que des choses que je considérais comme primordiales à l'époque ne l'était pas. J'ai fait beaucoup de progrès dans la distinction entre ce qui est important ou urgent et ce qui ne l'est pas.
Votre loisirs, c'est le travail...

(Rires) Non, je marche, je fais du bateau, je bouquine... Je prends le temps d'aller voir mon petit-fils. Aujourd'hui, je découvre la vie normale.
Propos recueillis par Boris MARCHAL.

_________________
section roues pilotes
"Trinquons à la bonne humeur française" André Citroën


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 Sujet du message: Re: Christian Streiff, ancien PDG de Peugeot-Citroën (2007-2009)
MessagePosté: Mar 01 Juil, 2014- 17:43 
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Messages: 7858
Localisation: Pays de Vaud, Romandie
Merci Bertrand pour ce témoignage...
Je note au passage que tous ceux qui traversent de grosses difficultés de santé tiennent le même langage moi y compris : On définit nos priorités tout autrement.

Quant aux AVC, on en parle de plus en plus ayant comme cause majeure les problèmes de la pollution par les particules fines issues des moteurs diesel... Les invisibles, celle qui traversent le filtre à particule.
Nos constructeurs en portent certainement une part de responsabilité.

_________________
Les électrons: ni pour ni contre, bien au contraire...


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 Sujet du message: Re: Christian Streiff, ancien PDG de Peugeot-Citroën (2007-2009)
MessagePosté: Mar 01 Juil, 2014- 18:06 
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Messages: 4854
Localisation: CALMONT 31560
Ce qui est dommage c'est se rendre compte trop tard que la vie est importante et que la carrière n'apporte que l'argent au détriment de la santé, de la famille, des loisirs etc....Tout le monde veut améliorer son ordinaire mais tout va trop vite et tout est cher ajouté à ça, la pression, l'angoisse, la peur du futur, le surmenage et nous arrivons sur ces accidents :roll: et pourtant il faut bien de l'argent pour vivre, un vrai cercle vicieux :roll:

Il est clair que dans le domaine du secours à victimes, il y a déjà au moins 10 ans que nous constatons nous professionnels la recrudescence d'AVC liée à ces facteurs et la pollution comme le souligne Pierre mais aussi la mal bouffe et d'autres excès :(

_________________
le plus fatiguant c'est d'attendre.....

Alain

11 bl 51 ds19 61


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